La Pernette au Guillou

Pernette s'approcha en tendant cette laine écrue qu'elle avait achetée à la foire de la Sainte Agathe dernière. Sa petite affaire commençait à lui rapporter quelques deniers. Oh ! Pas beaucoup. Mais avec quelle satisfaction n'avait-elle pas mis sur la table, au dimanche de la Saint-Martin, cette poularde dodue, à la peau croustillante. Les yeux de son Guilloux avaient brillé de surprise et de joie. Et le petit Urbain, qui s'était régalé d'un filet...

Pernette vendait de mieux en mieux son travail. Elle allait le dire, en montrant la qualité de son fil à son Guilloux. Encore un peu, et elle pourrait tisser une petite couverture pour « Urbain ». Rien de trop ! … pensait-elle ce lundi en huit.

Guilloux se ciselait une réputation d'ouvrier travailleur et honnête. L'argent rentrait : un peu, mais régulièrement. En se levant ce matin, elle ne cherchait qu'une réponse : comment allait-elle lui dire ? Pernette avait choisi de montrer son travail, puis d'évoquer ses petits bénéfices, dont elle tenait une addition soigneuse. Elle avait du cœur à l'ouvrage elle aussi ! Parler de louer la pièce d'à côté... Ce n'était plus possible l'atelier dans la cuisine et le lit dans un coin, avec Urbain au milieu d'eux. Le Mathurin concèdera peut-être un prix ? Elle devait lui envoyer son Guilloux. Même si elle se sentait capable d'aller traiter l'affaire. Ils sont mieux, entre hommes... Elle devait parler ! Maintenant. La petite phrase joyeuse et grave à la fois... et prouver son courage. Du courage ! Elle se lança tout en tirant son fil. Peut-être même qu'il s'arrêterait cinq minutes pour lui donner un baiser ?

- Guilloux... murmura-t-elle. Guilloux... j'attends un petit...